Entretien réalisé le 07/07/23 à Autrans (Vercors)
Les pains du Vercors est un fournil intégré dans le projet collectif de La Jolie Colo, tiers-lieu d’activité (artisanat, arts vivants, alimentation, transition écologique, fabrication numérique…) et d’habitation à Autrans, sur le plateau du Vercors. Le projet rassemble 12 entreprises et plusieurs familles dans un bâtiment de 1500 m² ainsi que 2 ha de terres en agriculture biologique. Dans cette structure, les pains aux farines biologiques et locales sont fabriqués et cuits au feu de bois par les cinq boulangers. L’eau pour la fabrication vient directement d’une source de montagne.
AUTEUR(S)
RIVOIRE Michaël contact@lespainsduvercors.fr
Fiche rédigée par Constance Boulin
PROGRAMME
Lieu de réalisation: Nord du Vercors
Budget: 34000
Origine et spécificités du financement : Personnel et participatif
ORGANISME(S)
Les pains du Vercors EURL
Autrans-Méaudre en Vercors - 38880
Route de Meaudre
4 Salariés
Site internet Médias sociauxORIGINE ET CONTEXTE
A l’origine, Michaël avait un fournil avec sa compagne dans le Nord Isère, mais à la suite de tensions avec le propriétaire ils ont dû démolir leur four et abandonner ce premier lieu. Ils ont déménagé dans le Vercors, territoire natal de sa compagne, et des amis leur ont parlé de cet ancien bâtiment de colonie de vacances pour essayer d’y imaginer un projet collectif. Après plusieurs visites et réflexions, ils ont vu le potentiel et ont décidé de réaménager la cuisine, trouver les meubles nécessaires et de reconstruire un four à bois pour créer un fournil « fait-maison » dans ce bâtiment inutilisé.
OBJECTIFS
Nourrir la population locale avec du bon pain, assurer le plaisir avant tout grâce à leur qualité de produits.
Développer une filière courte autour du blé panifiable dans le Vercors (quasi inexistant). Michaël essaie de convaincre les agriculteurs locaux de faire du blé pour leur fournil, et c’est en cours.-éviter de se faire de la concurrence donc de s’associer (Michaël et une autre boulangère se sont associés car ils avaient le même type de projet, plutôt que d’en faire deux séparément). Lorsque cette dernière est partie, Michaël a embauché quelqu’un sous forme de salarié, avec pour objectif à terme de s'associer à nouveau, par exemple sous le format de coopérative (SCOP). Il souhaite que la gouvernance soit le plus à l’horizontal possible, les salariés prennent déjà part aux grandes décisions d'orientation de l'activité, d'organisation du travail...
ACTIONS MISES EN OEUVRE
En même temps que la cocréation de la Jolie Colo, Michaël a créé Les pains du Vercors, au rez-de-chaussée de ce bâtiment. Il bénéficie donc de l’aide physique, matérielle et psychologique du collectif ; également son lieu de résidence avec sa famille. Pour la boulangerie, il a investi 15 000 euros pour le réaménagement de cette ancienne cuisine de bâtiment de colonie de vacances, afin d’acheter le matériel nécessaire et reconstruire son four. Sur place à l’arrivée, il n’y avait dans cette ancienne cuisine qu’un four électrique donc Michaël pensait développer une biscuiterie ; mais l’envie de continuer son métier de boulanger l'a poussé à reconstruire un four à bois. Ils travaillent au levain en pousse directe (pas de fermentation au froid), ils n’ont donc pas de chambre de pousse ce qui économise beaucoup de ressource énergétique. Les salariés à plein temps travaillent quatre jours par semaine.
En parallèle de cet investissement personnel, Michael et Julie (co-fondatrice à l’origine) ont créé un financement participatif sur la plateforme Bluebees, plateforme de crowdfunding entièrement dédiée aux projets à fort impact écologique et social, grâce à laquelle ils ont pu recueillir 19 000 euros grâce aux dons de 243 contributeurs.
Les pains du Vercors fabriquent une vingtaine de produits différent : pains, brioches, biscuits, granolas aux farines locales exclusivement (moins de 100 km). L’automne dernier, ils ont pu semer des blés paysans sur 0,5 ha de terre pour faire des essais dans l’objectif de devenir producteurs. Le bois pour le four est également en circuit-court, ce sont des copeaux de bois compressés issus d'une scierie locale à Corrençon-en-Vercors.
L’eau vient d’une source de montagne, sans besoin de traitement bien que vérifiée dans le cadre du réseau communal. Ils récupèrent également l’eau de pluie dans des cuves pour laver les sols.
Les pains ne sont pas vendus sur place mais sur les marchés, points relais et épiceries partenaires. Toutefois, le menuisier du collectif la Jolie Colo a construit une boîte à pain sur le parking du bâtiment, les clients peuvent ainsi venir chercher leur pain à l’heure qu’ils souhaitent après commande. Pour les marchés, ils utilisent une roulotte en bois également auto-construite, ils l’emmènent pour le marché d’Autrans deux fois par semaine.
Organisation de formations/stages boulangerie ouverte à tous sur 2 jours. Un jour est dédié à la fabrication du pain et le 2ème jour pour les biscuits/granolas, le stage se termine par un repas partagé pizza au feu de bois. Ils ont vu énormément de profils différents en termes d’âge, de CSP, de métiers…
Milieu scolaire : Ateliers classe de primaires, ainsi que pour des crèches de manière bénévole (enfants de 1 à 2 ans qui pétrissent des petites boules de pain que Michael cuit ensuite).
Pour les invendus (rares) : dons à une association Cuisine Solidaire (préparation de plats goûteux pour les bénéficiaires à partir d’invendus de supermarchés et autres).
RÉSULTATS ET IMPACTS, QUANTITATIFS ET QUALITATIFS
Fournées en moyenne de 100 à 120 kilos de pain/jour, ce qui fait en moyenne 700 kg de pains produits par semaine. Ils ont obtenu la Mention Nature et progrès, en plus du label bio français AB. Ils ont également le label « IsHere » pour leurs pains et brioche nature (label qui prend en compte l’aspect ultra local, que des aliments de l’Isère, et qui prête attention à la rémunération des producteurs).
L’impact des Pains du Vercors est assez direct : la production se vend très bien et ils reçoivent quotidiennement des compliments de la part des clients (habitants du Vercors). Ce fournil est un vrai exemple de développement local d’une filière inexistante au préalable. Lors des journées de formation ou évènements, ils reçoivent une grande diversité de profils et du lien social se crée.
ORIGINALITÉ
En plus d’apporter une nouveauté sur le plateau du Vercors en termes de type de produits proposés, Les Pains du Vercors ont construit le fournil par eux-mêmes. Ils sont dans une certaine volonté de débrouillardise et d’auto-suffisance. Ils ont créé des outils sur mesure pour leur faciliter le travail (ex : le four à bois à gueulard possède deux foyers, ce qui est très rare ; cela leur permet de ne pas toucher au gueulard lors de la chauffe du four). Ainsi, tous les salariés savent réparer les outils du fournil en cas de problème.
Social : ils font des expériences sur les salaires, à savoir la semaine de quatre jours (fractionné pour certains).
PARTENARIAT(S)
Biocoop(s) (celle de Villard-de-Lans et de Fontaine), épiceries (Les Locavores à Sassenage, Terra Terre, Ebio et Vercors Lait à Villard-de-Lans, la Fermière à Lans-en-Vercors, les Saveurs du Haut Plateau à Autrans, et voir le site des pains du vercors pour les autres points de vente - quinzaine) -La Joli Colo fait partie de Sentiers Communs, et cela lui permet d’être en connexion avec un large réseau de partenaires locaux par exemple MediaLab Agopop (lieu d’expérimentation et de partage autour du numérique et des médias), espaces de coworking… -L’École des Communs Alimentaires (projet qui vise à faire émerger l’alimentation comme acteur/réseau en tissant le champ d'intermédiation entre les communs urbains, naturels et culturels) les ont aidé à imaginer les possibilités de relocaliser une petite production 100% locale.-Parc National Régional du Vercors : aval institutionnel au moment de leur campagne de crowdfunding (leur activité d'artisanat alimentaire étant en adéquation avec les valeurs portées par le Parc). Pas de subvention, mais des évènements en commun : le Mois de la Transition Alimentaire chaque automne, et l'inventaire des variétés anciennes du Vercors (les céréales, pour eux). -Plateforme Bluebees (crowfunding) : financement du projet par des contributeurs
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :
Au début de l’activité, la difficulté a surtout été de trouver un associé pour Michaël. Lorsque son associée originelle est partie, il s’est retrouvé seul et a dû lui racheter ses parts ce qui a généré une tension financière. Il a perdu espoir pendant une période, avec la peur que le projet tombe à l’eau.
-L’année 2022 a été difficile pour les pains du Vercors, avec un quart à un tiers de moins en production alors qu’ils étaient en haute saison(été), sans savoir l’expliquer vraiment. Hypothèses de l’inflation, « le bio ça ne marche plus… », ou alors un manque voire arrêt de la communication sur cette période puisque le bouche à oreille avait toujours fonctionné jusque-là.
Solutions adoptées pour répondre aux difficultés et/ou obstacles :
Michaël a su rebondir grâce à la force du collectif de la Jolie Colo qui l’ont épaulé et conseillé lors de cette période de recherche d’associé.
Pour 2022 et la crise économique : ils ont limité les dégâts grâce à leur modèle de circuit-court (blé, eau, four à bois et pas d’électricité). A l’automne 2022, ils se sont remis à faire de la pub notamment grâce à la dernière salariée qui était graphiste, les ventes sont reparties depuis. Aussi, ils ont mis en place un système d’abonnement de -10% sur le prix pour des commandes qui se répètent de manière hebdomadaire.
Améliorations futures possibles :
Il y a deux gros projets pour les Pains du Vercors : tout d’abord, la relocalisation de la culture de blé (à minima pour une de leurs recettes de pain), avec l’idée de louer un moulin existant sinon développer une partie stockage du grain et meunerie sur place.
L’autre projet serait la revalorisation de la chaleur du four pour créer un séchoir (au-dessus du four) afin de sécher les petits fruits rouges produits sur place à la Jolie Colo, et l’intégrer à des préparations muesli, ainsi que créer des pâtes sèches.
Présentation des facteurs de réussite et conseils pour une généralisation ou un essaimage :
Les facteurs clés de réussite sont : -la qualité du pain proposé et la demande (qu’ils ont évaluée aussi instinctivement) bien présente sur le territoire. La population locale est demandeuse de pains comme ceux-ci (biologiques, au levain, four à bois). Cela a fonctionné tout de suite, aussi grâce à leur campagne de financement participatif grâce à laquelle ils se sont fait connaître. L’intégration de cette activité boulangère au sein d’un projet collectif aussi riche que celui de la jolie colo : selon Michaël, l’activité ne fonctionnerait sûrement pas aussi bien voire pas du tout en travaillant de manière isolée, et il y perdrait en qualité de vie : surcharge potentielle de travail et un en sentiment d’isolement (cette intégration est donc un facteur indispensable à leur réussite).
POUR EN SAVOIR PLUS
En savoir plus :
La Jolie Colo : https://www.lajoliecolo.fr/page/1244245-accueil
Campagne de financement participatif : https://bluebees.fr/fr/project/420-pain-vercors
Sentiers Communs : https://www.sentierscommuns.org/archipel
L’école des communs alimentaires : https://autresparts.org/sujet/notre-action/ecole-des-communs/
Vidéos :
La Jolie Colo - La maison de la transition [LE VERSANT MEDIA] : https://www.youtube.com/watch?v=01YjVFzUwEMReportage France 3 – La jolie colo d’Echarlière : https://www.youtube.com/watch?v=dnD0xpL-6H0
Podcast :
France Bleu - Les pains du Vercors : https://www.francebleu.fr/emissions/une-vie-au-naturel/isere/une-vie-au-naturel-nathalie-malochet-15
Label Is Here : extrait du site https://www.isere-tourisme.com/les-produits-ishere : Le label Is Here a une GARANTIE :
- de produits issus d’une ferme iséroise ou élaborés à partir de produits agricoles du territoire dans un atelier situé en Isère,
- qui garantissent une juste rémunération de l’agriculteur qui tient compte de ses coûts de production,
- qui respectent des conditions de production sanitaires et valorisent les pratiques environnementales.