Entretien réalisé le 12/07/2023, au 6b Village à Saint-Denis
La Belle Façon, une boulangerie dans un container sur la friche culturelle du 6b à St-Denis (93)
La Belle Façon est une boulangerie créée au sein d’un container sur la friche culturelle du 6b à Saint-Denis, lieu de création et de diffusion artistiques et culturelles. Sébastien Lefrançois, ancien danseur chorégraphe fabrique du pain bio au levain aux semences anciennes et locales ; une véritable nouveauté dans cette ville empreinte d’une forte mixité sociale.
AUTEUR(S)
Lefrançois Sébastien contactlabellefacon@gmail.com
Fiche rédigée par Constance Boulin
PROGRAMME
Lieu de réalisation: Saint Denis
Budget: 10000
Origine et spécificités du financement : personnel
ORGANISME(S)
La belle façon
Saint-Denis - 93200
Quai de Seine
5 Salariés
Site internet Médias sociauxORIGINE ET CONTEXTE
Sébastien Lefrançois, ancien danseur-chorégraphe, décide de sa reconversion dans le milieu de la boulangerie en 2019, peu avant la crise sanitaire COVID. L’élément déclencheur de ce projet a été un burn-out lié à une déconnexion de plus en plus forte entre ses réelles passions (la danse, la culture) et la réalité du métier qui se trouve beaucoup dans l'administratif (demandes de subventions, négociations avec des partenaires…). qui l’ont amené à repenser son métier. En 2019, il fait le tour des paysans-boulangers en France et se découvre un véritable attrait pour ce domaine. Après l’obtention d’un CAP Boulangerie, il commence par faire du pain au levain aux blés anciens pour ses proches (à Saint-Denis) puis peu à peu pour des AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), des épiceries, et obtient son local-containeur-boulangerie en septembre 2022 dans la friche culturelle du 6b Village à St-Denis.
OBJECTIFS
Le trait d’union entre le monde agricole et le monde urbain est ce qui intéresse le plus Sébastien. Il souhaite développer une filière d’un pain qualitatif et accessible à Saint-Denis, quartier qui n’appelle usuellement pas à acheter ce type de produit. Soutenir les agriculteurs qui travaillent de manière durable, démocratiser le bon pain paysan et sensibiliser auprès de la population locale sur les qualités nutritives et écologiques des blés anciens sont ses objectifs. Aussi, Sébastien a pour objectif de s’intégrer dans des événements culturels du 6b Village. Il souhaite participer « aux envies sociales et culturelles du territoire » et développer des projets pour concilier son travail en tant que boulanger avec des temps forts artistiques et socio-culturels.
ACTIONS MISES EN OEUVRE
A l’origine, Sébastien travaillait de nuit sous un barnum sur un terrain en friche à 250 mètres du 6b Village qu’il partageait avec un autre boulanger (qui lui travaillait de jour). Il travaille ensuite dans un local en dur à la Briche Saint-Denis sur 2 saisons, avant d’obtenir un containeur au 6b Village en septembre 2022.
Actions : Fabrication de pains au levain, biologiques, farines anciennes broyées sur meule de pierre, pétries à la main. Ils sont fabriqués sur commande, il n’y a donc pas d’invendus. En revanche, ils produisent toujours 10 à 15 pains en plus pour la vente directe (passants). La Belle Façon fabrique une large gamme : pain de seigle, de petit-épeautre, de sarrasin, pain au cacao, pain à l’ail, focaccia… Sébastien choisit de s’approvisionner de manière ultra-locale en semences anciennes avec des paysans-meuniers d’Ile-de-France.
Ils font 4 livraisons par semaine, 2/3 des livraisons sont assurées à vélo triporteur et ils délivrent entre 30 et 40 points de vente (AMAP, épiceries…).
Accueil sur place du mardi au vendredi de 17h à 23h pour récupérer son pain (sur commande ou les quelques-uns en vente libre).
Au niveau du prix, tout est calculé pour que le pain « basique » (pain semi-complet) soit au prix de la baguette tradition, soit 6€/kg.
Participation aux activités culturelles et solidaires du 6b Village : potager, plantation arbres fruitiers, fabrications de pains pour des évènements…
Ateliers Wecandoo : possibilité d’apprendre à réaliser son pain de A à Z avec ses produits sur une journée de formation (9h).
Pas de financements extérieurs. -Containeur au sein du 6b Village, au milieu d’autres artistes et artisans.Charges : électricité + loyer à moins de 800 euros/mois (containeur)-Four à bois co-construit avec les ateliers-paysans (3700 euros) et four électrique investissement de 40 000 euros, sous forme de prêt.-Plan de travail et pétrin en bois (récupération seconde-main) : 900 euros-Ressources humaines : 5 salariés dont deux boulangers à plein temps en CDI (dont Sébastien), 2 salariés livreurs à 20h en CDI, et une auto-entrepreneuse chargée de l’administratif (gestion des commandes et de la production, facturations, gestions des livraisons, relation clients, com’...) qui travaille à la prestation.-Livraison en triporteur ou voiture (selon la distance).
RÉSULTATS ET IMPACTS, QUANTITATIFS ET QUALITATIFS
La Belle Façon fabrique en moyenne 750 kg de pains/semaine, qui label N & P, considéré comme plus « rigoureux » que le AB
Ses clients principaux sont les CSP+ (ce grâce à quoi il subsiste d’après lui), mais ils touchent aussi des classes moyennes, grâce à leur discours sur la qualité (nutritive, de conservation, écologique) qui convainc. Sans publicité, ils se font connaître de bouche à oreille et les clients sont fidèles et font de très bons retours : “des pains de grande qualité”, “devenu mon incontournable”.
Le boulanger passe beaucoup de temps à expliquer aux clients non sensibilisés l’absence de baguettes, et les raisons de ses pains moins gonflés que ceux d’une boulangerie conventionnelle (moins de gluten, blés anciens). Il fait un vrai travail d’éducation et de sensibilisation dans le quartier.
La Belle Façon attire beaucoup les regards par son originalité, de nombreux médias et journaux (France 2) sont venus sur place pour faire des interviews et reportage ; ce qui a beaucoup aidé à le faire connaître.
ORIGINALITÉ
L’originalité est multiple : le concept de la boulangerie dans un containeur, ainsi que de faire et vendre du pain bio au levain aux semences anciennes dans un quartier qui n’appelle pas à acheter ce type de pain.L’absence totale de subventions (volontairement, voulant se défaire de démarches administratives chronophages).
PARTENARIAT(S)
La Belle Façon livre une trentaine de lieux : épiceries bio et/ou vrac, AMAP, coopératives alimentaires, restaurants et autres lieux atypiques. Voici quelques exemples : association des Consom’acteurs Courbevoie, AMAP de la Butte, AMAPoule St-Ouen, Épicerie Renée, DionyCoop Bel Air, French Coop à Asnières, Boutique en scène, Ferme de Gally, Coopérative Pointcarré à St-Denis…
Fournisseurs de farines : ferme d’Orvilliers en Eure-et-Loir, Ferme de la Drouillerie basée en Champagne-Ardenne, les Moulins de Chantemerle en Seine-et-Marne.
Partenariat avec le 6b Village (location du containeur).
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :
-Difficultés économiques au démarrage : la première année, il rentre de congés d’été, tout le chocolat stocké dans le container a fondu donc perte de stock. Il doit investir dans un « panimatic », de même que pour son four pour lequel il a un crédit. Comme Sébastien ne bénéficie pas de subventions, il doit auto-investir systématiquement et donc il ne s’est pas payé pendant plusieurs mois pour rembourser son prêt.
-Problèmes de locaux : au démarrage en 2019, partager un lieu de travail assez rudimentaire (barnum) et travailler de nuit, venue des services d’hygiènes (farines en extérieur). Changement de local mais difficultés relationnelles avec le propriétaire.
-Vivre au jour le jour avec une situation familiale qui demande aussi de subvenir à ses besoins.-Difficultés pour le personnel : changements de boulanger, trouver du personnel compétent pour travailler ce type de pains (le travail avec des blés anciens est très différent de la boulangerie classique).
Solutions adoptées pour répondre aux difficultés et/ou obstacles :
Faire ce même type de projet dans les Pyrénées où il compte s’installer avec sa famille dans les années à venir. Ils ont déjà trouvé un local, 4 fois plus grand (au 6b le container mesure 33m2) ou il pourra davantage développer ses projets artistiques en lien avec le pain, et s’intégrer dans la culture locale du pays de Dali. Au sein de ce futur projet, il ne souhaite pas pour autant abandonner La Belle Façon, il y garderait une forme de participation mais envisage de la mettre en SCOP, avec d’autres associés-salariés.
Présentation des facteurs de réussite et conseils pour une généralisation ou un essaimage :
La réussite selon Sébastien tient premièrement à son alignement avec ce projet. Il s’y sent bien, il a osé, il s’offre et offre aux employés un cadre de travail agréable (par rapport aux travaux de bureau). Puis vient la qualité de son pain, sur lequel il a de très bons retours. Aussi, selon lui, en soutenant la démarche de la Belle Façon, les clients sont en lien avec la terre et le paysan qui travaille derrière. Ils achètent ainsi comme un rêve de transformation dans leurs vies.
Enfin, l’originalité de son concept containeur-boulangerie et de son parcours (chorégraphe danseur), qui fait comme un « confetti dissonant » (expression de Sébastien) au milieu de la ville y sont pour beaucoup, puisqu’il attire beaucoup les regards.
POUR EN SAVOIR PLUS
Série de vidéos sur la généalogie de la Belle Façon par la chaîne Tess BARTHES : https://www.youtube.com/watch?v=PCPc_DDI5TQ
Podcasts, interviews, articles de presse :
https://www.airzen.fr/paris-ancien-danseur-il-fabrique-du-pain-artisanal-dans-un-conteneur/
https://www.20minutes.tv/video/ancien-danseur-il-sest-reconverti-dans-la-boulangerie-alternative/
Le site internet de la Belle Façon : https://www.la-belle-facon.fr/presentation/
Le 6b à Saint-Denis :https://www.le6b.fr/un-projet/
Le 6b Village, partie intégrante du 6b Saint-Denis, est un projet de « village écoresponsable » accueillant une dizaine de containeurs les uns à la suite des autres sur le terrain de la friche du 6b. Le 6b Village rassemble des projets écologiques, artistiques, solidaires (séchoir à herbes, serres, centre de danse, potagers, apiculture, graphisme…). Ceprojet est porté par Marion, architecte qui a pu recueillir des subventions pour l’achat de containers.