Ce projet propose d'accompagner un groupe de jeunes pour leur apprendre à penser leurs préoccupations en termes d'objets de recherche. Il a ainsi pour mais de leur faire vivre un processus de recherche autour d'une question sociale (questionnement initial, formulation d'une problématique scientifique, construction d'un protocole, enquête auprès de leurs pairs, analyse des résultats) et sa valorisation. La valorisation consiste en une présentation de leur travail d'enquête à un autre groupe de jeunes ainsi qu'une rencontre et un échange avec une.e chercheuse.euse ayant assisté à cette présentation.
AUTEUR(S)
Jacquemin Charline c.jacquemin@lespetitsdebrouillards-idf.org chargée de projet science société
Fiche rédigée par Charline Jacquemin et Cécile POLETTI
PROGRAMME
Lieu de réalisation: Villejuif
Budget: 8000
Origine et spécificités du financement : Budget indicatif qui dépend du nombre de séances et de personnes impliquées dans le projet
ORGANISME(S)
LES PETITS DEBROUILLARDS IDF
Montreuil - 93100
Avenue du Président Salvador Allende
31 Salariés / 98 Bénévoles / 88 Adherents
Site internet Médias sociauxORIGINE ET CONTEXTE
En tant qu’association d'éducation populaire travaillant au plus près des jeunes, nous faisons les constats suivants :
- Les jeunes s’éloignent des espaces démocratiques traditionnels : les modalités d’implication des jeunes dans la vie politique (au sens large du terme) mutent. Si ces derniers sont encore impliqués et concernés par les questions de sociétés, ils prennent une distance de plus en plus forte avec les espaces démocratiques traditionnels, entre autres les espaces associatifs. Il semble pourtant essentiel pour la construction future de nos sociétés que les jeunes prennent conscience de leur capacité de penser et d’agir grâce à une démarche scientifique sur les sujets qui le préoccupent et ainsi mieux comprendre et se saisir du monde qui les entoure.
- Il existe aujourd’hui beaucoup de modalités pédagogiques permettant la diffusion de la culture scientifique et technique, mais les modalités permettant l’implication active d’un public de jeunes adultes et adolescents autour d’une question scientifique sont peu nombreuses. Les projets d’éducation à la recherche sont par ailleurs peu développés auprès des jeunesses.
- Enfin, il existe très peu de dispositifs pédagogiques qui proposent à ces jeunes d’exprimer leurs préoccupations et d’investiguer sur des sujets de leur choix. En effet si on fait explorer certains jeunes sur des sujets pré déterminés (par la recherche, les institutions scolaires, les structures associatives…), il est rare que les projets soient construits à partir des choix des jeunesses quant aux sujets qu’ils souhaitent investiguer.
OBJECTIFS
- Expérimenter un dispositif pédagogique permettant aux jeunes de transformer leurs préoccupations en « objet de recherche », c’est à dire en objet à investir, comprendre afin de pouvoir agir dessus.
- Susciter le désir des jeunes d'explorer les sujets qui les préoccupent grâce à une méthodologie de recherche.
- Entendre les préoccupations des jeunes et favoriser le dialogue avec le monde de la recherche.
Fonctions opérationnelles de la structure :
- concevoir le dispositif pédagogique
- créer le partenariat avec le lycée
- mettre en place et animer le projet
- évaluer le projet
ACTIONS MISES EN OEUVRE
Public: une classe de 30 secondes
Durée et fréquence: environ 9h réparties en séances d'1h ou 2h
Lieu: salle de classe au sein du lycée
Déroulement:
Au sein du lycée, 8 séances (soit 9h au total) on été mises en place auprès d’une classe de secondes pour leur permettre de réaliser des enquêtes sur une méthodologie similaire. Dans cette classe l'équipe pédagogique de l'établissement a demandé à ce que les élèves travaillent sur le thème de l’écologie. La classe était divisée en 5 sous-groupes afin de favoriser le travail collectif.
- Ainsi, lors de la première phase, nous avons d’abord fait émerger les sujets de préoccupation spontanés des élèves pour ensuite les aider à faire le lien avec le thème de l'écologie, leur permettant ainsi d’appréhender les liens entre les transitions écologiques, sociales et numériques. Dans cette classe, les problématiques qui ont émergé étaient beaucoup en lien avec les nouvelles technologies et la consommation (fast fashion, addiction aux réseaux sociaux, lien entre réseaux sociaux et consommation, consommation de matières animales).
- Sur la seconde phase, pour des raisons pédagogiques nous avons choisi d’imposer la méthode de l’entretien qualitatif afin de favoriser l’implication de chaque élève dans la récolte de données. Ces entretiens ont eu lieu au sein de la classe et auprès d’autres élèves de l’école lors des temps de récréation et de la pause méridienne.
- La troisième phase a permis aux élèves d’analyser les résultats recueillis et de les traduire sous la forme d’un poster de recherche.
- La séance finale était consacrée à la valorisation des enquêtes via une présentation orale à laquelle était invitée une classe de secondes, et à la rencontre avec une chercheuse, Marion Michel sociologue, qui étudie le travail d’influenceuses écologistes sur Instagram. Elle a pu assister à la restitution des enquêtes, puis a pu échanger avec les élèves lors du café sciences et répondre aux questions des lycéens sur son travail (métier, formation, questions scientifiques) et sur les sujets qu’ils avaient traités.
RÉSULTATS ET IMPACTS, QUANTITATIFS ET QUALITATIFS
Quantitatif :
30 jeunes (secondes) ayant participé au projet en tant qu'acteur de recherche + 25 jeunes (secondes) ayant assisté à la séance de valorisation.
Qualitatif :
- Pour les jeunes accompagnés
- Les jeunes se mobilisent, participent et réinvestissent les compétences et connaissances acquises tout au long de leur parcours d'études
- Acquièrent/renforcent et de compétences transversales : expression orale, travail en groupe, capacité de synthèse ;
- Acquièrent/renforcent de compétences liées à la recherche scientifique : Appréhendent la complexité de la construction d’une question/problématique de recherche en sciences sociales ; Construisent un questionnaire d’enquête et collecter des données ; Analysent ses données, les questionnent et les restituent.
- Les jeunes sont en capacité de faire émerger en groupe leurs préoccupations et de les transformer en question de recherche
- Acquièrent une expérience d’enquête, depuis la formulation de la problématique jusqu’à la récolte et la mise en forme des données, par application de la méthode scientifique ;
- Acquièrent d’une expérience de travail en groupe et dialogue avec différents camarades de classes au sujet de leurs préoccupations.
- Se montrent intéressés et prennent du plaisir à entrer dans une démarche de questionnement et de recherche.
- Les jeunes valorisent et échangent sur leurs questions de recherche avec leurs pairs et une chercheuse
- Restituent leur enquête sous la forme d’un poster de recherche (simplifié) et d’une présentation orale en groupe. Cet exercice était aussi l’occasion d’un entraînement pour le grand oral du BAC.
- Échangent avec une chercheuse, en thèse de sociologie à Sciences Po sur l'écologie et les réseaux sociaux. L'intervenante a assisté à la restitution orale des enquêtes par les jeunes, posé des questions sur les enquêtes, puis a répondu aux questions des lycéens sur son travail (métier, formation, questions scientifiques). Le fait que la chercheuse assiste et s’intéresse à la restitution des enquêtes a fortement valorisé le travail des lycéens.
- Les jeunes se forment, développent leur esprit critique et se sentent acteurs d’un projet de recherche
- Développent de leur capacité de prendre du recul par rapport aux informations dans les médias et la question des sources pour traiter un sujet (comprendre comment sont construites et interprétées les données)
- Partagent et explorent leurs questionnements de recherche auprès d’autres jeunes via des enquêtes de terrain.
- Se rendent compte de la pertinence de leurs sujets de préoccupation en tant qu’objet de recherche, notamment lors des échanges avec la chercheuse.
- Les jeunes ont une meilleure compréhension de la recherche scientifique et ont découvert différents métiers et mondes professionnels
- Comprennent mieux le métier de chercheur.se en sciences dures et en sciences humaines et sociales
- S’approprient des méthodes de recherche pour identifier et creuser un sujet
- Prennent conscience de l’intérêt de la recherche et des impacts possibles sur des enjeux de société.
2. Pour les enseignants
- S’initient à d’autres démarches pédagogiques actives
- Découvrent les préoccupation de leurs élèves
- Dialoguent avec leurs élèves autour d’enjeux de société
- S’appuient sur une structure extérieure pour développer de nouvelles compétences et susciter l’intérêt de leurs classes sur des sujets de société.
- Rencontrent et échangent avec des chercheur.euses dans le cadre d’un projet de classe
3. Pour notre structure
- Développe et teste un nouveau dispositif innovant pour les jeunes de 15 à 25 ans
- Analyse son déroulement afin de pouvoir le reproduire, l’adapter et l’améliorer
- Acquière de nouvelles compétences diffusées au sein de l’équipe.
- Comprend mieux les questionnements socio-scientifiques qui préoccupent les jeunes. Nous avons relevé des tendances :
- Cette classe s’est beaucoup questionné sur son rapport à la consommation (addiction aux smartphone, comportements sur les réseaux sociaux, rapport à la mode, au véganisme…). Or, lorsqu’il leur a été demandé de faire un lien avec le sujet de l’écologie, nous avons senti un blocage, et les élèves ont exprimé que ce sujet était souvent abordé à l’école mais avec finalement peu de changements constatés au niveau sociétal. On a pu constater une forme de « protection » en ayant peu envie de traiter ce sujet car ils se sentent peu en capacité d’agir sur le monde à ce niveau. Cependant à force de discussions et d’éprouver certains de ces sujets sur le terrain à travers les enquêtes sociales, les groupes ont pu progressivement prendre conscience que le sujet de l’environnement était fortement en lien avec d’autres enjeux, tels que les inégalités sociales ou encore les injustices constatées entre pays du nord et pays de sud…
- Liste des sujets de recherche traités dans la classe
- Addiction aux téléphones
- Consommation de matières animales
- Notre génération a-t-elle espoir en l’humanité ?
- Le rapport des lycéens à la Fast Fashion (x2)
- Inégalités en hommes et femmes dans le sport
- Réseaux sociaux et consommation
Essaimage du projet :
- Renouvellement du projet dans le même établissement en 2025 (avec une autre classe)
- Déploiement futur avec un groupe de jeune au sein d'un centre social dans le 92
- Déploiement futur via une autre structure, Les Petits Débrouillards Occitanie
ORIGINALITÉ
Dispositif d'éducation par la recherche
- Projet partant des préoccupations des jeunes
- Dialogue entre jeunes et chercheurs
- Les jeunes placés en position d'acteurs de la recherche
PARTENARIAT(S)
Partenariats développés dans le cadre de la conception et évaluation du dispositif :
- Le Réseau des CREFAD
- TRACES
- Les chaudronneries de Montreuil
- Des acteurs de la recherche : le dispositif est entré dans un projet de recherche financé par l’ANR, porté par un consortium d’acteurs de la recherche institutionnelle et citoyenne : EQUIPACT, qui porte sur les leviers et freins de la participation citoyenne dans la recherche scientifique. Ce projet, toujours en cours, permettra d’analyser le dispositif pédagogique dans le but d’en améliorer la qualité et les impacts.
Partenariats financiers : Fonds Ayudar de la Banque Transatlantique
Partenariats opérationnels :
- Lycée de Villejuif (94)
- La chercheuse, en thèse de sociologie à Sciences Po sur l'écologie et les réseaux sociaux
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :
- La réalisation du projet sur le temps scolaire nécessite une certaine organisation pour les enseignants. Le fait de travailler le projet et ses objectifs en amont avec les équipes pédagogiques a permis de faciliter sa mise en place.
- La capacité de travailler en groupe de 4-5 élèves n’étais pas acquise pour tous. Une grosse partie de la médiation consistait à les accompagner à travailler ensemble : discuter, écrire, s’organiser en groupe.
- Trouver le juste milieu entre la rigueur de la méthode scientifique et du cadre scolaire, et l’aspect ludique pour susciter la créativité, l’intérêt et la motivation. Le déroulé a été adapté de manière constante entre les séances pour assurer la motivation des élèves et tenir les objectifs dans le temps imparti.
Améliorations futures possibles :
Améliorer l'évaluation auprès des jeunes participants et des chercheurs :
- Intégrer l'évaluation auprès des jeunes durant les séances du projet.
- Créer des modalités d'évaluation auprès les chercheurs impliqués dans le projet afin de comprendre les impacts de leur participation sur leur travail.
Tester ce projet hors cadre scolaire et avec des séances plus rapprochées - nouer des partenariats avec des structures d’accueil de jeunes.
Présentation des facteurs de réussite et conseils pour une généralisation ou un essaimage :
- Le projet repose sur une méthodologie construite mais qui doit rester flexible et adaptable au contexte et aux participants.
- L’implication des enseignants : le projet nécessite une organisation dans l'emploi du temps pour y consacrer le temps nécessaire. De plus, les enseignants ont un rôle clé car ils connaissent les élèves et les dynamiques de groupe. Il est nécessaire cependant de bien définir la place de l'enseignant et celle des médiateurs, en amont du projet
- La présence de chercheurs est indispensable.
Idées de sujet(s) de recherche fondamentale ou appliquée :
Sur l'intermédiation :
- Comment les jeunes se réapproprient la question du « faire collectif » ?
- Impliquer des jeunes dans une recherche participative (choix des sujets notamment)
Sur les sujets de préoccupations :
- Les engagements des jeunesses face aux enjeux de transition
- La santé mentale des jeunesses