Observatoire
Cartographie des paysages alimentaires

ORIGINE ET CONTEXTE

En 2014, Isabelle Touzard rejoint la Métropole de Montpellier en tant que Vice Présidente déléguée à l’agro-écologie et de l’alimentation. Avec elle, se renforce une ambition politique liée à l’alimentation durable. L’institut national de la recherche agronomique, en partenariat avec le Cirad et Montpellier SupAgro, entame alors un accompagnement des élus pour construire ce projet en réalisant une synthèse agricole et alimentaire sur le territoire en co-construction avec élus et techniciens. Le constat d’un manque d’informations territoriales sur la précarité alimentaire fait naitre un besoin de lancer des études et faire émerger des données (alors que seules des données nationales sont disponibles). Un consortium de recherche (cf. acteurs impliqués), Surfood Foodscapes, est ainsi construit avec la vocation d’étudier le lien entre environnement et pratiques alimentaires.

OBJECTIFS

Ce projet interroge le rôle des paysages alimentaires sur les inégalités d’accès à l’alimentation. En analysant le lien entre les pratiques d’approvisionnement des ménages et l’organisation spatiale de l’offre alimentaire, il vise à éclairer les politiques d’aménagements urbains et informer les acteurs publics locaux sur les leviers d'action dont ils disposent en matière d'alimentation durable. Par cette démarche, les collectivités territoriales peuvent renforcer leur compréhension et leur prise en compte des effets de leurs politiques foncières dans l’aménagement des espaces publics et dans leurs stratégies d’urbanisme commercial sur l’alimentation des habitants de leurs territoires (ex. : agriculture urbaine, aménagement de jardins collectifs - implantations de marchés et commerces).

ACTIONS MISES EN OEUVRE

Ce projet de recherche pluridisciplinaire - incluant sociologues, nutritionnistes, géographes, et économistes - analyse les effets des paysages alimentaires urbains (commerces alimentaires, marchés, jardins, etc.) sur les styles alimentaires des individus (consommations, pratiques et représentations). Il se compose en 5 volets : 1) une étude sociologique sur les rapports des individus à l’alimentation et leurs perceptions des paysages alimentaires, 2) une étude géographique multiscalaire sur le lien entre pratiques d’approvisionnement alimentaire et l’environnement alimentaire commercial des individus – cette partie constitue l’objet de cette fiche, 3) une étude sur l’impact des jardins partagés sur les pratiques alimentaire et, plus globalement, sur la durabilité des modes de vie, 4) une étude sociologique sur les effets des pratiques d’achats alimentaires en ligne, 5) une enquête collective (Mont’Panier) réalisée sur la métropole de Montpellier, à travers laquelle des ménages ont collecté leurs tickets de caisse pendant un mois, et sur laquelle se basent les différentes analyses de ce projet (1, 2, 3, 4). 

Dans cette étude multidimensionnelle, une partie est ainsi dédiée à la cartographie du paysage alimentaire du Grand Montpellier. Grâce à des outils cartographiques, ont été diagnostiqués des quartiers faiblement pourvus en offre alimentaire de qualité.

La cartographie des paysages alimentaires sur la métropole de Montpellier regroupe restaurants et commerces alimentaires. Le système d’information géographique (SIG) constitué pour ce projet a été établi à partir du répertoire des entreprises SIRENE. La base de données a été corrigée (suppression des points de vente excédentaires, ajout et correction de données de localisation, etc.) avec des observations de terrain, OpenStreetMap, Google Street View, les sites internet de communes et d’enseignes commerciales. Des enquêtes terrains ont par la suite permis de vérifier la fiabilité des données issues de la base de données constituée. 

Cet outil cartographique a été construit de manière à ce qu’il soit réplicable sur d’autres collectivités : un chargé de mission au sein d’une collectivité territoriale sans formation géographique doit être en mesure de réaliser un tel travail avec les données locales disponibles. Simon Vonthron, doctorant en géographie sur la « géographie des paysages alimentaires urbains », accompagne aujourd’hui d’autres collectivités dans ce même travail de cartographie et aide dans la sélection de sources de données à utiliser. 

RÉSULTATS ET IMPACTS, QUANTITATIFS ET QUALITATIFS

5-1  attendus

Le projet est officiellement terminé. D’autres analyses sont à venir du fait de la richesse des données issues de l’enquête collective (5).

5-2 observés : définitifs ou provisoires,

La cartographie proposée permet un premier repérage des déserts alimentaires de fruits et légumes. Elle permet aussi de calculer la part de population métropolitaine ayant accès à de tels commerces à proximité de leur domicile comme l’évolution de cette part de population selon la distance au centre-ville et le niveau de revenus des quartiers. 

Ce projet de recherche identifie des relations complexes entre environnement alimentaire et pratiques individuelles en mettant en avant le fait que les paysages alimentaires sont socialement construits. Nombreux facteurs environnementaux et sociaux influencent les pratiques d’approvisionnement alimentaire. Ainsi, en plus de la réalisation de cette cartographie, une approche concertée avec habitants et commerçants est essentielle pour cibler les besoins et donner le la aux politiques d’aménagement du territoire. La cartographie réalisée constitue un outil sur lequel se baser pour consulter les habitants du quartier ou de la commune, une base de travail, un support pour animer la concertation. Les recherches issues de Surfood Foodscapes soulignent aussi le besoin de collaboration : d’éviter le travail en silos en collectivités territoriales dans la gestion de ces questions d’alimentation durable. La question alimentaire est transversale et croise des services au sein des entités publiques : les politiques d’aménagement commercial sont à articuler avec les politiques de mobilité, de santé… L’outil cartographique incite ainsi à une réflexion interservices.

Etude de cas : A l’échelle de la métropole de Montpellier

• Les résultats de l’étude montrent de grandes différences d’accessibilité aux commerces alimentaires selon la distance des quartiers au centre ville. Les déserts alimentaires semblent ainsi plus propices à apparaître dans l’espace périurbain et les quartiers aisés de la ville.
• Dans les quartiers les moins aisés de la métropole, l’étude souligne l’existence de « bourbiers alimentaires » : ces quartiers présentent certes des commerces alimentaires de fruits et légumes mais ces derniers sont noyés dans une offre alimentaire largement constituée de fast-foods, à la qualité nutritionnelle plus faible.

Des difficultés d’accessibilité aux commerces « sains » et aux produits de bonne qualité nutritionnelle peut porter de plus graves conséquences pour des individus issus de milieux modestes du fait de leur moindre mobilité. Le projet souligne aussi le besoin davantage de recherches en milieu rural où les difficultés de mobilité sont accrues ainsi que des groupes de population spécifiques et notamment les personnes âgées et les étudiants.

L’analyse spécifique de différents quartiers a permis aux acteurs publics d’identifier des leviers, directs et indirects, par lesquels faire évoluer les paysages alimentaires. Plusieurs options s’offrent alors aux collectivités territoriales : orienter l’offre alimentaire en régulant l’occupation de l’espace public (en créant des marchés, en autorisant ou non les food-trucks ou les terrasses de restaurants, etc.), en acquérant puis conservant des locaux commerciaux pour préserver des commerces de bouche, voire favoriser leur implantation. 

ORIGINALITÉ

Première initiative de cartographie des paysages alimentaires sur le territoire français ayant vocation à être répliquée par les collectivités territoriales pour identifier l'offre alimentaire de leur territoire aussi bien en termes de quantité que de qualité.

PARTENARIAT(S)

Chaire Unesco Alimentations du Monde, Métropole de Montpellier, INRAE, Cirad, Montpellier SupAgro, UMR MoISA et Innovation

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :

Cartographier un désert alimentaire de façon précise est souvent impossible dû aux données disponibles en France. 

La cartographie réalisée présente des limites :

• Pour des enjeux de réplicabilité au sein des collectivités territoriales, elle ne prend pas en compte la mobilité des individus pour accéder à l’offre alimentaire ; une finesse d’analyse qui nécessiterait des données GPS, des données issues d’enquêtes ainsi qu’un important temps de travail en interne pour les collectivités.
• Elle ne permet également pas de visualiser les différentes logiques d’approvisionnement des individus (qui peuvent suivre des logiques d’évitement, budgétaires, récréative, rechercher des produits spécifiques indisponibles à proximité, ou encore moduler leurs pratiques pour l’aspect social des courses alimentaires).

POUR EN SAVOIR PLUS

Site web : https://www.foodscapes.fr/

Et ressources documentaires dont synthèses vulgarisées SO WHAT : https://www.foodscapes.fr/resources

Vonthron, Simon 2021. Offre commerciale alimentaire et pratiques spatiales d’approvisionnement des ménages. Construire une géographie des paysages alimentaires. Thèse de doctorat en géographie, Montpellier: Université Paul Valéry - Montpellier 3. https://hal.inrae.fr/tel-03560669v2