Observatoire

Face aux crises laitières, le retour des vaches au pré en Charente

Côté Ferme est située sur la commune de Baignes Sainte Radegonde en Charente, dans le bassin versant de la Dordogne. C’est en 2010 à la suite d’une crise laitière sans précédent, que la ferme s’engage dans la refonte des façons de travailler et se tourne notamment vers vers l’agriculture biologique et l’autonomie fourragère.

Auteurs(s)

Matieu
Renaud

Fiche rédigée par Laëtitia GONI-LIZOAIN

Programme

Démarrage : 2010

Lieu de réalisation : Baignes Sainte Radegonde (Charente)

Budget : 30000

Origine et spécificités du financement : Financements FEADER, région Nouvelle – Aquitaine et concours Agriculture d’avenir.

Organisme(s)

SARL Côté Ferme

Baignes Sainte Radegonde – 16360

La Champagne

ORIGINE ET CONTEXTE

Mathieu RENAUD représente la quatrième génération sur la ferme familiale. L’histoire débute en 1938 avec son arrière grand-père qui a développé un élevage et des vignes sur 10 hectares. Le grand- père de Mathieu a remis la vigne en état (décimée dans les années 1900 avec la crise de phyloxera) et a continué la culture et l’élevage. Il a assisté aux débuts de l’agro-industrie et de la chimie, avec de hauts rendements. C’est la génération suivante, celle du père de Mathieu installé dans les années 80, qui a connu de fortes crises, l’interdisant de tout emprunt durant quelques années. En 20 ans, il fut contraint d’augmenter drastiquement les rendements, passant de 200 000 litres à 800 000 litres avec 80 laitières, et l’achat de 15 ha de champs. Les 2/3 du lait produit était fabriqué avec du fourrage acheté. En 2009, la crise laitière a frappé la ferme, alors que Mathieu se formait en vue de reprendre la ferme. Face à cette crise, Mathieu a décidé de reconcevoir en profondeur le fonctionnement de la ferme, en quête d’une plus grande autonomie.

Objectifs

Depuis 2010, le fonctionnement de la ferme est réorienté vers une réduction de la part des achats extérieurs, en aliments, ou intrants chimiques. L’objectif consiste donc à gagner en autonomie mais aussi à valoriser leur production de lait, à améliorer les sols pour notamment augmenter leur rétention en eau.

ACTIONS MISES EN OEUVRE

Autonomie alimentaire : maïs remplacé par méteil fourrage, grain et prairie avec rotation des cultures. Depuis cette année (2020), passage en prairie (35 ha accessible à la pâture, 32 ha trop éloignée de la ferme pour du pâturage : 3 ha de luzerne pur, 9 ha de luzerne sain foin, 30 ha de prairies multi espèce et 25 ha de chicorée). Mise en place de cultures qui s’adaptent mieux aux périodes sèches.

Prairies multi espèces : base fétuque dactyle, un peu de ray – gras la première année, trèfles (blanc, violet, nain, lotier, …), sain foin. Trèfle incarnat la première année pour faire un leurre pour les limaces (elles les mangent et laissent le reste).

A l’écoute des souhaits des consommateurs : remise au pré des vaches, changement des races de vaches (Holstein au départ) par croisement d’absorption (changement de race sans changer d’animaux) avec des Montbéliardes. Sur 5 générations, la race Holstein est absorbée (en cours).
En 2013 – 2014, achat de Jersiaises dans l’objectif d’avoir tout le troupeau en race Jersiaise. Celle – ci est plus adaptée à la prairie, moins modifiée génétiquement que la Holstein, et gabarit plus petit que les Montbéliarde.
Vache plus petite et moins lourde (400 – 500 kg contre 700 – 900 kg), qui prend moins de place dans les bâtiments donc possibilité d’augmenter le nombre et de les sortir beaucoup plus vite au près.
Produit moins de lait en quantité mais plus de matière utile tout en mangeant 20% de moins qu’une Holstein.
Production de moins de volume donc passage en mono – traite envisagée.

Transformation et vente directe, à arrêt aujourd’hui en lien avec le passage en bio et au manque de personnel.

Les veaux partaient auparavant en centre d’engraissement en Espagne, désormais, ils sont valorisés en vente directe ou en veau de lait.

Ressource en eau (pas d’irrigation) : 45 ha irrigable via un forage. Aujourd’hui réflexion pour le vendre en tant que captage d’eau potable en lien avec les problématiques dans le Sud – Charente (2 captages d’eau potable aujourd’hui non potable pour cause de pollution et l’autre débit en baisse).

Soins aux animaux : homéopathie, un peu d’aromathérapie et de phytothérapie.

Bilan carbone : 6 ha en agroforesterie et plantation de 2,5 km de haie.
Objectif : 35 ha d’agroforesterie et 10 km de haies pour capter plus de carbone (et peut – être vendre un droit à polluer) et avoir des racines en profondeur qui libèrent le phosphore. 30 ou 40 essences qui pousse relativement vite dû aux sols peu profonds.
Également pour effet – brise vent, se couper des voisins en conventionnel, couper des produits qu’ils mettent. Et couper faune sauvage (sanglier et chevreuil très présents : secteur problème tuberculose et dégâts prairie). Puis ramène de la vie, de la biodiversité.

Litière animale en bois plaquette au lieu de la paille (qui vient d’un site à 20 km) depuis fin juin 2020.

Résultats et impacts, quantitatifs et qualitatifs

Certifiée en agriculture biologique depuis le 30 Octobre 2016.
Autonomie fourragère et pas d’intrants chimiques.
Mono – traite envisagée en vue d’augmenter la qualité de vie, de réduire la consommation en eau ainsi qu’un peu d’électricité.
Réduction des frais vétérinaire (alimentation et passage au bio) : race différente, animaux moins poussés à la production.
Homéopathie qui fonctionne bien (soins boiterie, diarrhées sur veau, problème pulmonaire, problème digestif) mais environ 90 tubes différents (exemple : pour soigner les mammites 30 différents, dépend de la saisonnalité, de l’animal, du quartier atteint, …) : beaucoup plus d’observation du troupeau qu’en conventionnel. Rentabilité économique (1 tube homéopathie coûte environ 2,5 euros TTC, soigne 10 mammites avec).
Bilan Carbone : Bilan GES classique avec chiffres officiel : 40% de compensation.
Plantation agroforestière ayant un double usage : faire du bois plaquette pour la litière des animaux et du bois énergie, et permet également d’avoir de l’ombre, limitant l’évapotranspiration.
Litière bois qui aujourd’hui ne chauffe pas, est plus absorbante, relativement accessible au niveau prix (comparé à la paille). Meilleure hygiène.
Résultats économiques : dépenses réduites, équilibre atteint même si des dettes héritées du modèle conventionnel persistent.
Les jours de pleine pâture, la non-utilisation du tracteur, la non-préparation ou distribution des céréales permet de gagner du temps.

Ressource en eau :
Arrêt utilisation d’un forage (en vue d’en faire un captage d’eau potable) et utilisation de l’eau du réseau.
Réflexion sur la captation de pluie sur tous les bâtiments.
Idée : réduire de 50% la facture d’eau.
Réflexion sur l’autonomie électrique (éolienne verticale).

Originalité

Une initiative qui témoigne d’une réflexion ancrée dans le long terme pour envisager les enjeux de l’autonomisation de la ferme et sa transition.

Partenariat(s)

Lait collecté par Biolait

Retour d’expérience

Difficultés et/ou obstacles rencontrés pendant la mise en œuvre :

Installation dans le cadre familial : il existe une pression de la génération précédente ayant mis en place certaines choses. La remise en question du choix des générations précédentes est parfois compliquée.
Sol peu fertile à cause des pratiques conventionnelles passées.

Solutions adoptées pour répondre aux difficultés et/ou obstacles :

Continuer à créer de la terre pour augmenter la capacité de rétention en eau :
Utilisation de l’amendement organique « bacteriosol » de la SOBAC. Principe : apport de bactéries (fixatrice d’azote) et de champignons directement dans les sols ou les effluents d’élevage, fabrication d’humus et décomposition de la matière minérale afin de redonner de l’autonomie au sol (redynamise la vie biologique et chimique du sol et crée de la terre). Aujourd’hui avec ce concept, ils partent du principe que l’on peut stocker 4 T de C / ha et par an.
En 8 ans d’utilisation du produit « Bacteriosol », 7 cm de terre noire supplémentaire.

Présentation des facteurs de réussite et conseils pour une généralisation ou un essaimage :

Le passage en bio les a fait revenir à l’essentiel : la ferme nourrit le sol qui nourrit une plante qui nourrit une vache. Le sol n’est pas qu’un simple support.
Il faut se former, faire des erreurs, il faut apprendre. Il faut être bien dans sa tête.
Prendre le temps de trouver des gens compétents.
Petite structure.
Se rapprocher du consommateur.

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Comité de lecture
Date de lecture de la fiche
09/12/2020
Localisation
France
charente
Appréciation(s) du comité
Source d’inspiration !
Domaine
EnvironnementAgricultureAlimentation
Type de structure
Exploitation agricoleEntreprise
Envergure du programme
Locale
Bénéficiaires
Universel
Type d’action
Agroécologie
Type d’objectif
Préservation de la qualité des eauxDépollution des modes de production agricole (introduction d’alternatives aux intrants chimiques, pesticides, fongicides…)
Localisation
Licence

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Pour citer un texte publié par RESOLIS:
Petit Monique, « Atelier 44, un atelier de menuiserie où l’esprit et le geste ne font qu’un », **Journal RESOLIS**